les commandent soient tous libres quand ils sont tous bienfaisans. Sa sage et généreuse conduite fera voir qu’elle est digne épouse de ce grand prince que nous avons perdu, mère du roy, et régente de la première monarchie de l’Europe. »
Et après ces paroles, se tournant vers les gens du roy, et les excitant de parler, maître Omer Talon avocat dudit seigneur, a dit :
« Sire, votre Majesté séante la première fois en son lit de justice, assistée de la reine sa mère, de monsieur le duc d’Orléans son oncle, de messieurs les princes de son sang et de tous les grands officiers de la couronne, prenant possession publique du trône de ses ancêtres, fait connoître à tous les peuples, que la sagesse et bonne conduite des princes, que l’Ecriture appelle le lien et la ceinture de la royauté, ne consiste pas seulement dans une puissance absolue et une autorité souveraine, avec laquelle l’on les conseille de se faire craindre et obéir : mais dans une lumière et majesté qui les environne, que Dieu leur communique, capable de produire du respect et de l’amour dans l’ame de leurs sujets, imprimant une particulière grâce et vénération dans toutes leurs actions, c’est une onction secrète, un caractère qui les distingue du reste des hommes, qui charme nos esprits, et flatte nos affections. Car bien que la providence du ciel n’a point de différence ni de degrez dans elle-même, étant infinie et sans mesure : elle paroît pourtant inégale dans ses effets, plus grande à l’endroit des roys, qu’elle n’est dans l’esprit des particuliers.
« Que si la pensée de Synésius est raisonnable, que nous pouvons comparer le soin que Dieu prend des royaumes au mouvement extérieur qui est produit dans une roue qui tourne aussi long-temps que dure la violence de l’action qu’elle a reçue, mais a besoin d’une nouvelle agitation pour commencer un nouveau travail : les princes souverains qui sont établis sur la terre pour le gouvernement des peuples, reçoivent tout à coup de la main de Dieu les lumières et les connoissances nécessaires pour la conduite de leurs estats, lesquelles s’éteignent par le décès de celui auquel elles sont communiquées. Ainsi le génie de la France s’est retiré avec notre prince, et après avoir été assis trente-trois années sur le trône des fleurs de lys, aussi long-temps que David régna sur tout Israël, sa justice, sa piété et sa bonne fortune nous ont abandonnés au même moment qu’elles nous avoient été données, semblable à Auguste qui mourut le même jour qu’il avoit été appelé à l’empire.