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satisfaire au dedans et pourvoir au dehors, mon affliction a été si grande, qu’elle m’a ôté toutes sortes de pensées de ce que j’avois à faire, jusques à ce qu’au dernier jour vos députez ayant salué le roy, monsieur mon fils, et fait les protestations de leur fidélité et obéissance, ils le supplièrent de venir tenir son lit de justice, prendre la place de ses ancêtres, laquelle il considère comme une marque de la royauté. Ce que j’ai voulu faire aujourd’hui pour témoigner à cette compagnie, qu’en toutes sortes d’occasions je seray bien aise de me servir de vos conseils, que je vous prie de donner au roy monsieur mon fils, et à moy, tels que vous jugerez en vos consciences pour le bien de l’Etat. »

A l’instant le duc d’Orléans oncle du roy prenant la parole, et l’adressant à la reine, lui a témoigné la satisfaction que tout le royaume devoit avoir de son procédé ; que dès samedy dernier en la présence des députez du parlement il s’étoit expliqué, et avoit dit que l’honneur tout entier étoit dû, non-seulement à sa condition de mère de roy, mais aussi à son mérite et à sa vertu ; et que la régence lui ayant été déférée par la volonté du défunt roy, et par le consentement de tous les grands du royaume, et depuis vérifiée en cette cour en la présence de lui qui parle, il ne désiroit autre part dans les affaires que celle qu’il lui plairoit lui donner, et ne prétendoit aucun avantage de toutes les clauses parliculières contenues en cette déclaration[1].

  1. Cette déclaration (du 20 avril précédent) portoit création d’un conseil de régence, composé de la reine, du duc d’Orléans, du prince de Condé, du cardinal Mazarin, du chancelier Séguier, du surintendant des finances Bouthillier, et de Chavigny. Toutes les affaires de la paix, de la guerre et des finances devoient y être décidées à la pluralité des voix ; il nommoit aux charges de la couronne, aux principaux emplois militaires et civils, aux gouvernements des provinces et des places fortes, enfin à toutes les dignités importantes… Aucune précaution ne fut oubliée pour donner à la déclaration toute l’autorité possible. Le roi vouloit qu’elle fût irrévocable, aussi ferme que la loi salique ; il la signa en présence des princes, des pairs, des ministres, des officiers de la couronne et des députés du parlement. Il écrivit au bas : « Ce que dessus est ma très expresse volonté, que je veux être exécutée. » Il obligea la reine et le duc d’Orléans à la signer aussi, et la remit ensuite au premier président Molé, en lui disant : « J’ai disposé des affaires de mon royaume ; c’est la seule satisfaction que je puisse avoir en mourant. » Le lendemain le duc d’Orléans porta, par l’ordre du roi, cette déclaration au parlement pour y être enregistrée… La reine protesta devant deux notaires « contre la signature qu’elle avoit donnée par obéissance pour le roi. » (M. de St-Aulaire, Hist. de la Fronde.)

    Louis XIII, mal obéi pendant sa vie, se flatta de l’être mieux après sa mort ; mais la première démarche d’Anne d’Autriche fut de faire annuler les volontés