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La pompe de l’Eden et du jeune univers ;
Enfante le chaos, entrouvre les enfers ;
Peins à mes yeux surpris la nature innocente,
Le charme virginal de la terre naissante :
Aveugle d’Albion, célèbre en vers divins
Ce que jamais n’ont vu les regards des humains.
Viens aussi m’enchanter par ta philosophie,
Toi qui livres aux vents les chagrins de la vie,
Horace, conduis-moi sous ton ciel toujours pur,
Aux bois de Lucretile, aux vergers de Tibur ;
Des fleurs qui vivent peu couronne-toi la tête,
Et parle de la mort au milieu d’une fête.
Hâte-toi de jouir : il n’est rien de certain.
Les roses d’aujourd’hui, dois-tu les voir demain ?
Du banquet des plaisirs vole au champ de la gloire,
Et montre-moi César sur son char de victoire ;
Puis, bientôt, consacrant ta muse à ton rival,
Sache en le célébrant devenir son égal.[1]
Viens aussi, dispensant ou l’opprobre ou la gloire
M’ouvrir, muse du temps, les fastes de l’histoire ;
Des empires suivons et les mœurs et les lois,
Interrogeons la vie et des grands et des Rois ;
Surtout parle sans cesse à mon âme ravie
Des exploits, des héros, des Rois de ma patrie.
Lawfelt, Raucoux, Fribourg, rappelez à jamais
Les talents, la valeur, les lauriers des Français.
Non, il n’est pas d’étude à mon âme plus chère :
De nos braves guerriers le noble caractère,
Ces beaux noms d’Almanza, Fleurus et Marignan
Ont sur moi je ne sais quel pouvoir entraînant :
Il me semble cueillir ces palmes de la gloire,
Je m’enivre d’orgueil ; c’est ma propre victoire ;
Je triomphe à Denain, je triomphe à Rocroi,
Et défaits Cumberland aux champs de Fontenoi.
Mais ce n’est point assez encor que de connaître
Le pays révéré, le ciel qui nous vit naître :
Je promène mes yeux sur l’immense univers.
Navigateur hardi, je traverse les mers ;

  1. Pindarum quisquis studet æmulari, etc.