Page:Recueil de l'Académie des jeux floraux 1818.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
vj

Tu meurs, d’Enghien, tu meurs : ton Dieu vers lui t’appelle !
Quitte ce corps par la mort abattu ;
Lève-toi, viens renaître à la vie éternelle,
Viens voir où le bonheur attendait ta vertu.
L’Eternel a permis ton glorieux supplice :
Car ta vaillance à sa justice
Arracherait un peuple révolté.
Mais, après tes vertus, tes malheurs, ta constance,
La mort n’est qu’une récompense
Qui t’ouvre un ciel heureux dès long-temps mérité.

Il dit ; et ranimant ses forces presque éteintes,
Le héros lui sourit de son regard mourant.
Alors le vieux Monarque éleva ses mains saintes
Sur le fils des Condés à ses pieds expirant :
Il bénissait son corps privé de sépulture ;
Et le chêne sacré, poussant un long murmure,
Lui répondait du fond des bois ;
Et le ciel, et le fleuve, et les monts, et les plaines,
Et les murs sanglans de Vincennes
De sourds gémissemens accompagnaient sa voix.

Les brigands muets d’épouvante,
En détournant les yeux saisissent le héros…
Sur sa dépouille encor vivante
J’entends tomber la terre et marcher les bourreaux !…
C’en est fait, tout à coup s’échappe de la tombe
Un cri plaintif du hérons qui succombe…
Ils se regardent terrassés ;
Ils veulent fuir, l’effroi les glace :
Ils ont cru voir la mort, dont la faulx les menace,
S’avancer à grands pas dans ces affreux fossés.

Mais alors, s’élançant sur le char des orages,
Saint-Louis monte dans les airs ;
Il monte, et loin encor sur le flanc des nuages
Sa trace éclate en mille éclairs.
Pâles d’horreur, frappés des colères célestes,
Les bourreaux en tremblant quittent ces lieux funestes ;
Tout se tait dans les champs déserts ;
Et dans les cieux, troublés de leurs rires funèbres,
On entendit passer les géants des ténèbres,
Qui redescendaient aux enfers.