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Echappés des sombres royaumes,
De toutes parts vers moi marchent d’affreux fantômes.
Des célestes décrets redoutables hérauts,
Leur effrayante voix retentit dans les plaines ;
Ils s’arrêtent, les bras étendus vers Vincennes,
Ils chantent l’hymne des tombeaux.

Tenant entre leurs mains les ordres sanguinaires,
Des chefs se sont assis pour insulter aux lois ;
Et, devant ces bourreaux, juges imaginaires,
A comparu le fils des Rois.
Noblement exilé d’une terre flétrie,
Sur les bords étrangers il suivit la patrie,
Français digne de ses aïeux :
Depuis qu’il s’est fait voir dans les champs de Bellone,
La France ose espérer, et le tyran frissonne
Sur son trône victorieux.

Les peuples se disaient : louons la providence ;
Nous ne sommes plus sans appui.
Le glaive d’un héros veille encor sur la France…
Qu’il meure, a dit le Corse, et sa race avec lui !
Endormi sur la foi de ses traités perfides,
Le héros entouré de pièges homicides
Soudain se réveille étonné ;
Il tombe enveloppé des embûches du crime :
Un forfait la vaincu, que la noble victime
Rougirait d’avoir soupçonné.

Il est là, sous les yeux de ces brigands farouches,
Comme un Condé, l’œil fier, le front serein.
L’imposture et le fiel découlent de leurs bouches ;
Il sourit, muet de dédain.
Son regard poursuit leurs pensées ;
Il lit l’arrêt fatal dans leurs âmes glacées :
Leurs remords ne l’absoudront pas ;
Son cœur lui dit assez qu’il n’est plus d’espérance,
Et que l’oppresseur de la France
Ne vivra que par son trépas.