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les inoïts occidentaux.

recueillis par leur oncle maternel. L’institution matrimoniale n’a pas été inventée pour causer à ces gens aucun désagrément. Entre époux, peu ou point de jalousie. Comme chez nombre de sauvages et demi-civilisés, celui-là passerait pour un malappris qui n’offrirait pas au visiteur l’hospitalité de la couche conjugale, ou la compagnie de sa fille la plus avenante. Suivant leurs convenances, les mariés troquent les mariées, se les empruntent, les louent bon marché. Au temps où l’administration russe n’accordait a ses employés que huit verres de rhum dans les douze mois, un homme livrait sa moitié pour quelques gouttes de la liqueur divine.

Le chef de famille donnait le nom de « Mère » à son épouse préférée, laquelle titrait de « Père » non seulement son mari, mais encore son fils aîné, et qualifiait aussi de « Mère » sa fille la plus âgée[1]. Le renseignement suggère des réflexions qui pourraient mener loin… mais n’élevons pas de lourde superstructure sur une base fragile.

La monogamie est de règle, mais avec de fréquentes exceptions : les hommes meurent vite aux risques de mer. Les veuves, les orphelins, grave souci quand les temps sont durs. Le pêcheur, revenant avec barque pleine, est tenu d’avoir l’œil sur les filles qui ont perdu leur père, de prendre en pitié les veuves qui allaitent : il aura des huttes séparées, plusieurs ménages à pourvoir. C’est ainsi que la polyandrie s’entend avec la polygamie. Mais cette polygamie-là est plutôt une obligation morale que la recherche d’un plaisir, et représente un ensemble de charges qu’il faut du cœur pour accepter, et du caractère pour porter jour après jour.

  1. Venjaminof.