Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/95

Cette page n’a pas encore été corrigée
75
parure.

femmes mariées en revendiquent le privilège, et en font un « signe de haute distinction », disaient-elles à Hall. Jadis les Aléouts se gravaient sur la peau des figures d’oiseaux et de poissons[1] ; « les filles de famille riches et distinguées » s’attachaient à représenter les exploits de leurs ancêtres, au moyen de dessins et de signes variés qui exprimaient symboliquement le nombre des ennemis tués ou des animaux abattus[2]. Avec un silex, on se coupait la chevelure, les femmes se rognant la partie frontale, et les hommes se ménageant une superbe touffe. Ceux-ci se trouaient la lèvre inférieure et les oreilles pour y placer des petits coquillages, de minces cailloux, ou des laines rouges, indicatrices de quelque exploit ; ou bien encore, ils s’élargissaient les narines, déjà bien larges, pour y colloquer un petit os, gros comme un tuyau de plume ; car ils n’étaient point insensibles à l’attrait du beau. Jalouses de cet agrément, leurs dignes épouses portaient au cou, ainsi qu’aux mains et aux pieds, des pierres colorées, et des chapelets d’ambre — les dames d’Europe les approuvent en cela ; –mais les malheureuses s’inséraient à la lèvre inférieure une labrette ou petit cylindre de nacre ou de bois, qui, tenant la bouche constamment ouverte, leur faisait couler la salive le long du menton. Et dire que les Aléouts, Thlinkets et divers Inoïts, n’étaient pas ou ne sont pas seuls à porter labrette, que les Botocoudes et de nombreux Africains sont partisans de cet affiquet qui déshonore la figure humaine ! Dire qu’ils trouvent tout à fait engageant ce hideux appendice, incommode et absurde au possible ! La chose existe ; donc, elle a sa raison suffisante, pour parler comme Leibnitz.

  1. Malte-Brun, Annales des Voyages, XIV.
  2. Venjaminof.