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les inoïts occidentaux.

à la charogne, ils n’auront laissé que les os, — laissé, non, puisqu’ils les rongent à fond, les emportent, pièce à pièce, pour en faire cent et un outils et instruments, et s’en servir comme de fer et de bois. Ils tirent parti de l’huile et de la graisse, de la peau, des barbes et fanons ; finalement, de « la montagne d’abondance », il n’aura été perdu ni brin ni miette.

Moins variée était la nourriture de leurs ancêtres, dont les kjokken mooeddings, ou débris culinaires, amoncelés sur la plage, n’ont montré à Dall que coquilles d’œufs et mollusques. N’ayant trouvé dans ces amas aucun fragment de lance, de flèche ou harpon, l’investigateur en conclut que les aborigènes ignoraient jusqu’aux arts les plus rudimentaires. Il s’autorisa du fait que nul objet portant trace ignée n’avait passé sous ses yeux, pour refuser l’usage du feu à ces dénicheurs d’œufs, à ces mangeurs de moules et oursins. L’assertion est à noter, mais ne nous paraît pas prouvée ; la conséquence pourrait être plus grosse que les prémisses. En tout état de cause, que soit récente ou éloignée l’époque à laquelle les habitants de l’archipel Catherine ont appris à connaître le feu, — aujourd’hui, ils l’obtiennent au moyen d’un archet, — il est certain qu’ils ne font, comme tous leurs congénères inoïts, qu’un médiocre état des aliments cuisinés, préférant à la modification par la chaleur celle produite par le gel. Ils mangent cru, ils mangent glacé, ils mangent pourri, ils mangent beaucoup ; ne prisent aucune boisson mieux que l’huile de phoque ou de baleine. Avec l’invasion des fourreurs et traitants, la cuisson des viandes s’est introduite et propagée, mais les vieillards d’Ounimak déplorent la décadence des saines traditions, protestent contre une funeste innovation à laquelle ils attribuent la