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les inoïts orientaux.

bien furent dévorés, combien de déchiquetés par les corbeaux[1] ! De là encore, ces jours néfastes, dans lesquels l’enfant ne naissait que pour être mis à mort ; de là, ces horoscopes funestes ; les lois cruelles qui décimaient les garçons, tierçaient les filles[2] ; de là, ces pratiques odieusement bizarres pour décider de la légitimité ou de l’illégitimité des naissances ; … pures allégations, misérables prétextes. La pureté de la race, les arrêts des Parques, n’étaient mis en cause que pour les dupes. Combien plus simple la réalité ! On ne pouvait nourrir qu’un petit nombre d’enfants, donc il fallait se débarrasser des autres. De tous les prétextes le plus obscur semblait le moins douloureux. À mesure que la pitié parlait plus haut, on s’arrangeait de manière à faire peser la responsabilité de l’exécution sur le hasard, sur des causes éloignées. Mais quels que fussent les sorts consultés, le nombre des enfants gardés était proportionnel aux subsistances. En nos pays, on immolait jadis ; ailleurs, on supprime toujours les nourrissons privés de leur mère. En pays allemands, on jetait les orphelins d’un indigent dans la même fosse que leur père. On ne l’a pas assez dit, assez répété : la civilisation augmente avec la nourriture et la nourriture avec la civilisation. L’espèce humaine, question de subsistances. Plus il y aura de pain, plus il y aura d’hommes, et mieux le pain sera réparti, meilleurs deviendront les hommes.

Bessels vit mourir un chef de famille, père de trois enfants. La mère, alors, allégua l’impossibilité de nourrir son dernier-né, un bébé de six mois, l’étouffa en un tour de main, et le déposa dans la tombe du mari. Au père-esprit de charger le mioche sur l’épaule, et de subvenir à

  1. Comme à Madagascar.
  2. Radjpoutana, les Todas, etc.