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les inoïts orientaux.

Les voisins se font un point d’honneur de pourvoir à l’entretien de la famille qui a perdu son chef. Quelqu’un se dévoue, épouse la veuve et adopte les enfants, eût-il déjà les deux sœurs, ou la mère avec la fille[1]. Les Itayens, dépourvus de barques et disposant de moindres ressources alimentaires, sont, par contre, moins exposés aux périls de la mer. Par suite, leur population masculine équilibre la féminine. Chacun a sa chacune et pas davantage. Mais cette monogamie n’est qu’apparente, et, en ce lieu, toutes ont été faites pour tous, suivant la loi formulée au Roman de la Rose. La chasteté n’est point une vertu esquimale. Quand souffle certain vent du sud, mainte femme va courir le guilledou, elle sait une hutte avec compère au logis et commère en maraude. Ainsi débute l’institution matrimoniale, à l’endroit où commence l’espèce humaine. Les adultères sont aventures quotidiennes, et sur ce point les maris ne cherchent point querelle à leur moitié. À une condition pourtant, c’est que leur épouse n’ait cherché à se distraire qu’auprès d’un autre époux auquel on l’eût prêtée volontiers, pour peu qu’il en eût fait la demande[2] : entre les membres de l’association maritale, il y a compte courant et crédits largement ouverts. Chez les Esquimaux comme chez les Caraïbes de l’Orénoque[3], pourvu que la partie se joue entre compagnons, ce qu’on perd pourra se rattraper. Mais la chose prendrait autre tournure, si la légitime s’oubliait avec un célibataire auquel la loi du talion ne serait pas applicable.

Curieux débris d’une époque primitive, que cette con-

  1. Cranz.
  2. Ross, Second Voyage.
  3. Gumilla.