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la lampe.

des sacs, comme en ont les équarrisseurs, renferment des viandes qui, pour se conserver fraîches, devraient rester constamment gelées, mais qui ne tardent pas à exhaler des miasmes puissants et subtils, qui transforment bientôt le taudis en un charnier inhabitable pour des Européens. Même dans leurs cabines étanches, les officiers de l’Alerte accueillaient mal toute hausse du thermomètre. Vêtus de leurs fourrures, la chaleur les fatiguait, dès que la température extérieure montait à plus d’une quinzaine de degrés au-dessous de zéro[1].

La saison la plus malsaine, nous dit-on, est le printemps, alors qu’il fait trop chaud pour rester, trop froid pour sortir. Dans ces huttes soigneusement calfeutrées, où l’on ne pénètre que par des passages souterrains, la chaleur que dégagent la respiration et la combustion des huiles et graisses dispense presque de toute autre source de chaleur. Au milieu du bouge brûle une lampe sur laquelle on met à fondre la neige qui servira de boisson. Au dessus, le mari fait aussi sécher ses bottes, dont le cuir raccorni est ensuite ramolli par l’épouse, qui le mâchera bravement entre ses puissantes molaires. On cuisine à cette lampe, on s’y éclaire pendant la longue nuit, qui, du soleil couché à son lever, ne dure pas moins de quatre mois.

Spectacle digne d’intérêt que ces pauvres gens groupés autour d’un lumignon fumeux. Tous les auteurs ont fait remonter les civilisations à l’invention du feu, et ils n’ont pas eu tort. L’humanité, autre que la bestiale, naquit sur la pierre du foyer. Le feu rayonne la chaleur et la lumière, double manifestation d’un même principe de mouvement.

  1. À.-H. Markham, La Mer Glacée du pôle.