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consommations.

dise, la graisse qui fond sur la langue ; nectar, les verres de lait qu’on recueille dans l’œsophage des phoquets, ou petits phoques, lait blanc comme celui de la vache, parfumé comme celui des noix de coco ; jouissance à nulle autre pareille, le sang de l’animal vivant, bu à même la veine au moyen d’un instrument inventé à cet effet. Autant que possible, ils étouffent la bête plutôt que de l’égorger, afin de ne perdre aucune goutte du liquide vital que charrient les artères. Quand il leur arrive de saigner du nez, ils jouent de la langue, se raclent les doigts. Ils mâchent avec délices les viandes encore palpitantes, dont le jus vermeil leur découle dans le gosier en flots sucrés et légèrement acidulés. Le sel leur répugne, peut-être parce que l’atmosphère et les poissons crus en sont déjà saturés. Gourmands et gourmets, ils apprécient la qualité, mais à condition que la quantité surabonde. Qu’on serve cuit ou cru, vif ou pourri, mais qu’il y en ait beaucoup. Par les temps de disette, ils engloutissent des marmites pleines d’herbes marines qu’ils ont mises à mollir dans l’eau chaude. En général, la gelée et l’attente ont déjà fait subir aux viandes un ramollissement qu’ils estiment suffisant. Quant à la cuisson proprement dite, ils l’admettent en temps et lieu, comme raffinement agréable, mais jamais comme nécessité.

Belcher évaluait à 24 livres par âme — sic — et par jour les approvisionnements qu’une station avait faits pour l’hiver, quantité qu’on lui donnait comme normale et tout à fait raisonnable[1]. Le capitaine Lyon[2] a donné d’une de leurs mangaries un saisissant récit :

  1. Lyons, Savage Islands.
  2. Transactions of the Anthropological Institute.