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les inoïts orientaux.

et organisent une battue générale. Prestes comme guenons, elles fourragent dans les tignasses poissées ; les mains vont et viennent de la tête à la bouche et de la bouche à la tête. Sitôt vu, sitôt croqué.

Ce soin est une des fonctions de la femme primitive : tout amateur de contes et d’antiques légendes n’a pas été sans remarquer comment, dans toutes les grandes scènes d’amour, le héros s’assied aux pieds de la vierge, qui lui prend la tête entre les genoux, l’épouille, et de doux propos en doux propos, le magnétise et l’endort.

Les belles Esquimaudes usent d’un bâtonnet terminé en spatule, faisant office d’un doigt allongé ; elles s’en grattent le dos, fouillent les profondeurs du vestiaire. On dirait le petit instrument copié sur les grattoirs en ivoire que les fournisseurs du monde élégant exposent dans leurs somptueuses vitrines de la rue Richelieu, de Piccadilly et de Regent Street : — les extrêmes se touchent. En Orient, dit Chardin, une main en ivoire ne manque jamais sur la toilette des femmes, car il serait malpropre de se gratter avec les doigts.

La belle saison apporte l’abondance ; alors, dans les intervalles que laisse la chasse, nos hommes n’ont plaisir plus doux que de muser et baguenauder à l’entour des huttes, dormant une bonne partie de la journée, et se réveillant pour s’emplir le ventre. Manger est leur bonheur, leur volupté ; ils vous disent avec conviction avoir été gratifiés d’un inoua ou génie spécial, le Démon de l’appétit. Ils goûteraient peu la fameuse distinction, que l’homme mange pour vivre, ne vit pas pour manger. Sitôt