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les inoïts orientaux.

Autre observation importante : Ces Itayens n’ont aucune espèce de bateaux. Ross n’en revenait pas. Comment une population du littoral maritime, comment une population de pêcheurs peut-elle être dénuée des moyens de navigation qu’on possède dans le voisinage ? Comment n’ont-ils pas imité un instrument nécessaire, un instrument des plus simples, au moins en apparence, et qu’ils connaissent de vue ou par ouï-dire ?

Kane confirme ce renseignement, dit qu’ils ne connaissent les kayaks que par tradition, bien que les Esquimaux comptent parmi les plus hardis marins, les plus experts canotiers, et que leur existence soit tellement liée à la mer que la barque constitue leur unité sociologique. Dans un village hyperboréen, on compte les barques, comme ailleurs on compte les feux : tout chef de famille doit être maître de bateau. — « Si les Itayens avaient des barques, observe Bessels, ces pauvres gens poursuivraient les bandes de narvals, se livreraient à de fructueuses pêches, s’épargneraient des famines longues et cruelles. Et quand ils sont à bout de ressources et réduits à la dernière extrémité, ils feraient mieux qu’attacher leurs traîneaux les uns aux autres, les lancer à l’eau, système dangereux autant qu’incommode… » Notre observateur ne s’explique ce manque de bateaux que par l’hypothèse d’une dégénérescence : la peuplade, mieux lotie autrefois, aurait connu l’art de la navigation ; pour une cause ou une autre, elle l’aurait désappris.

Cette insouciance extraordinaire semble dépasser le vraisemblable, chez des gens qu’on ne voit en aucune autre matière se montrer plus stupides que leurs congénères et proches voisins. Jusqu’à mieux informé, et sans prétendre trancher la difficulté qui embarrassait des observateurs