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les inoïts orientaux.

domaine est sujet aux invasions ; les frontières sont souvent franchies par de petits détachements ; les mâles qui avaient été écartés une première fois, rôdent aux environs, font des signaux que met à profit quelque femelle légère, tandis que le seigneur et maître est ailleurs occupé. S’il s’aperçoit du manège, il gronde d’une voix furieuse, se précipite sur son rival, et s’il ne peut l’atteindre, tombe sur l’infidèle, lui laisse de cuisants souvenirs. Néanmoins sa domination est rarement de longue durée, un des vaincus rentre en lice et l’évince à son tour[1]. »

C’est aussi une physionomie originale que celle de l’Ours polaire[2] ; si gauche d’apparence et pourtant si adroit en tout ce qu’il entreprend ; une fine et astucieuse tête de renard sur un grand corps dégingandé ; son épaisse fourrure est un sac à malices. Sa chair fraîche est délicate, mais des plus indigestes, aussi la laisse-t-on attendre, si la faim le permet ; quant à son foie, il passe pour un poison très dangereux, ce qui le fait rechercher par les sorciers. Les Inoïts reconnaissent Martin comme leur maître dans la chasse au phoque, racontent merveilles de son savoir-faire. Du haut d’un rocher où il a grimpé sans se laisser apercevoir, il guette les morses et veaux marins qui s’ébaudissent sur la plage. Que l’un arrive à portée, il lui cassera la tête avec une grosse pierre ou des blocs de glace lancés avec force et adresse[3]. Martin parle phoque, flatte et fascine la pauvre bête qui pourtant devrait le connaître de longtemps, il l’endort par une incantation dont les Inoïts ont surpris le secret et qu’ils répètent aussi exactement qu’il leur est possible. On pourrait croire que

  1. Malte-Brun, Nouvelles Annales des Voyages, 1855.
  2. Ursus maritimus, Thalassarctos polaris.
  3. Nature, 1883, J. Rae.