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le phoque.

morse et les phoques[1] rendent à l’Inoït les mêmes services qu’au Polynésien le cocotier, à l’Australien le kangourou et la xantorrhée ; ils le nourrissent, l’habillent, passent en sa personne et sur sa personne, le chauffent et l’éclairent, tapissent sa hutte à l’extérieur et à l’intérieur. Avec la peau il construit ses bateaux et barques : Kayaks, oumiaks, baïdarkas ; avec les intestins il se confectionne des surtouts ; avec les os il fabrique toutes sortes d’armes et d’outils ; l’ivoire du morse constitue la principale valeur d’échange. L’Esquimau relie l’homme au phoque, il a de cet animal, amphibie lui aussi, les habitudes, le caractère, l’apparence, et même la physionomie ; ce n’est pas étonnant, puisque sur lui se dirigent constamment sa pensée et son désir. Il avoue avoir construit sa maison d’hiver sur le modèle que le phoque lui a donné dans son iglou. L’un comme l’autre est trapu, tout en tronc, vorace, mais gai, familial, avec de grands yeux doux et intelligents. À première vue, on n’a pas haute opinion de ces lourdes masses, mais en les observant de près, on s’étonne de leur voir tant de jugement et si bon caractère. Il est à noter que l’animal a l’amour plus jaloux que son compatriote humain :

« Au premier printemps les femelles sortent de la mer, et les mâles se trouvent sur le rivage pour les recevoir. Ils les saluent en soufflant l’air par les naseaux, faisant un bruit terrible, signal de bataille. Ces monstres se soulèvent sur leurs nageoires, engagent une mêlée générale, dans laquelle les dents formidables de leur large gueule font de terribles blessures. Couchées entour, les femelles sont les spectatrices du combat dont elles sont le prix ; celui qui restera vainqueur sera leur époux, exerçant autorité absolue et se démenant avec fierté. Cependant, son

  1. Phoca vitulina, grypus grœnlandica, etc.