Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/38

Cette page n’a pas encore été corrigée
18
les inoïts orientaux

moyens de les satisfaire ; ils vivent d’une même vie, mi-terrestre, mi-marine, se nourrissent des mêmes poissons, attrapent le même gibier par les mêmes trucs, les mêmes ruses. Sous ces latitudes, l’existence n’est possible que par l’observance stricte et rigoureuse de certaines obligations, très rationnelles après tout ; il faut les accepter sous peine de mort, et on s’y conforme sans qu’il en coûte. L’habitude est une seconde nature.


En dehors des êtres de son espèce, les Inoïts ne connaissent que la Grande Baleine, que Martin l’Ours, que le sire Morse, que le seigneur Phoque, que le vieux Loup, et ces autres importants personnages : renards, lièvres, loutres et otaries. Ils les chassent et pourchassent, les tuent et mangent, mais tâchent de leur faire oublier ces mauvais procédés en leur prodiguant les témoignages d’honneur et de respect ; du reste, ils les admirent sincèrement, et en mainte occasion les prennent pour modèles. N’étaient le phoque et le morse, ils n’arriveraient pas à vivre. Le premier est, avec du poisson, le fond de leur alimentation générale, mais le second, sur nombre d’îles et presqu’îles, fait leur seule nourriture pendant plusieurs semaines. Une famine affreuse ravage les populations quand les morses[1] s’absentent, et que des hivers exceptionnellement rigoureux dressent des barrières de glace à travers certains passages, comme il advint en 1879-1880, alors que des villages entiers furent emportés jusqu’au dernier habitant, notamment en l’île Saint-Laurent[2], dans les eaux d’Alaska, à mi-route entre l’ancien et le nouveau continent. Le

  1. Trichechus Rosmarus.
  2. Autrement dite Eivugen.