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les kolariens du bengale.

chissent les levres altérées, massent les membres fatigués ; leurs mains caressantes apaisent les poitrines que l’effort fait palpiter.

Sur le premier qui tombe sans vie, prémices de la bataille, tous se précipitent pour tremper leur hache dans son sang ; en quelques instants, son corps est chapelé. Qui a la chance de tuer son opposant, sans avoir été blessé lui-même, tranche le bras droit du mort et le porte au prêtre, pour qu’il en gratifie Loha. À la vêprée, on voit souvent un petit tas de bras sur l’autel : une trentaine d’hommes ont péri d’un côté, une vingtaine de l’autre ; davantage ont été blessés. On ne s’en tient pas toujours là, et, quand les choses se font grandement, on recommence le lendemain et jours suivants, jusqu’à ce que tout un parti soit hors de combat.

C’est, en effet, moins une bataille qu’un tournoi, qu’une joute en champ clos. Chevaliers plutôt que soldats, les Khonds ignorent la tactique, négligent les marches, contremarches et mouvements tournants, mais ne se ménagent, ne s’épargnent point ; se tuent en famille, moins ennemis que rivaux.

Toutefois, les plus réjouissantes choses finissent par lasser, les plus jolies par durer trop longtemps. Les premières pour en avoir assez sont les femmes, exposées à perdre l’un par l’autre et leur propre père et le père de leurs enfants. Prises, comme le veut la loi, dans un clan autre que celui de leur nouvelle famille, plus d’une assiste au duel entre son frère et son mari, les admirant également, tremblant également pour leurs jours. Comme les Sabines d’autrefois, elles interviendront pour réconcilier. Elles communiquent librement avec les deux camps, comme font aussi, dans les montagnes d’Assam, les Kat-