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le dieu-couteau.

tailles entre Khonds et étrangers, mais non pas aux rixes qui peuvent éclater entre clans de même tribu. Loha, dieu du fer, s’est mué en un vieux couteau. Aux trois quarts enfoncé dans le sol, il émerge lentement quand une bataille se prépare, et rentre dans la lame quand assez de sang a été versé. Le prêtre surveille d’un œil attentif la hauteur du couteau, les mouvements de ce baromère délicat ; car la divinité, si on tardait à la satisfaire, se vengerait en se faisant tigre dévorant, ou épidémie dévastatrice. Sur l’avis qu’en donne l’homme des autels, les anciens se rassemblent et délibèrent suivant les règles : « Loha s’est-il vraiment réveillé ? Est-il inquiet, pour sûr ? Est-il en colère ? Et contre qui se battre ? »

Les guerriers apportent les armes et l’attirail militaire devant leur Mars-Apollon, auquel ils offrent un poulet au riz arrosé d’arrak, joli petit ordinaire que le dieu consomme ; après quoi le djanni l’apostrophe :

« Ô dieu ! nous avons tardé à nous mettre sur le pied de guerre. Avons-nous oublié quelqu’une de tes prescriptions ? Avons-nous attendu trop longtemps, pensant qu’il fallait laisser grandir nos jeunes gens, qu’il fallait nourrir notre monde ?

« Quoi qu’il en soit, ton auguste volonté se manifeste par les déprédations du tigre, par les fièvres et les ophtalmies, les ulcères qui rongent et les rhumatismes qui affligent.

« Nous obéissons, Seigneur !

« Voici nos armes. Solides, elles le sont déjà ; fais-les aiguës et tranchantes. Dirige nos flèches, dirige les pierres de nos frondes.

« Élargis les blessures qu’elles feront aux ennemis : et si leurs blessures se ferment, que restent la faiblesse et l’impotence ! Mais que nos blessures à nous guérissent aussi promptement que sèche le sang tombant à terre !