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les kolariens du bengale.

belle façon, n’employant à ce jeu que les armes données par mère Nature, armes mortelles parfois. Mais nos Khonds, passionnément adonnés au métier des armes, tiennent cet amusement pour grossier, dépourvu de dignité : « Jeux de mains, jeux de vilains. » Écoutons leur légende :

« Jadis nous ne faisions pas mieux. Comme aux singes, comme aux tigres et aux ours, ongles et dents nous suffisaient ; on jouait aussi des cailloux et du gourdin.

« Mais les Dieux, dans leur bonté, nous firent présent du fer. Un des leurs se donna à nous, le dieu Tigre, Loha Pennou, Maître de la Guerre, Génie de la Destruction, qui un jour sortit de terre, sous forme d’une tige d’acier.

« En premier, le fer ne touchait créature vivante sans la tuer soudain ; mais les Dieux, toujours complaisants, enlevèrent quelque chose de son poison, disant : Fer, tu tueras mais pas toujours ! De ceux que tu auras mordus, tous ne mourront pas, quelques-uns languiront, quelques autres guériront.

« Redoutable est toujours la vertu du fer. Qu’un prêtre enterre sous un arbre le couteau du Grand Tigre, l’arbre dépérira, l’arbre mourra. Qu’il jette son couteau dans une rivière, et la rivière tarira.

« Au dieu altéré il faut du sang. Son propre prêtre lui est immolé après quatre ans de loyaux services. Il faut à Loha beaucoup de sang ; aussi a-t-il institué la guerre, ordonnant qu’elle fût notre plus noble occupation.

« La guerre, l’éternelle guerre, est la santé du peuple. Pour alimenter la guerre, Dieu permit, Dieu ordonna de la couper de trêves, de l’entremêler d’armistices, pendant lesquels on cultive le sol et l’on procrée des enfants qui à leur tour se battront et s’entre-tueront. »

Tout village, tout groupe de hameaux possède un bosquet où ni femme ni enfant n’ont droit d’entrer : il est sacré au dieu de la guerre, qui préside aux ba-