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les kolariens du bengale.

un bain de lait tiède. Elles demandaient du lait, eh bien ! on leur en donnait du lait. Du lait tiède, remarquez-le ; car on eût manqué de cœur à les asphyxier dans un liquide froid au toucher. Où la sensibilité va-t-elle se nicher ?

Faisons taire l’indignation qu’excitent ces actes dénaturés. Les primitifs, ne disposant que d’insuffisantes ressources alimentaires, ne croyant pas que les nouveau-nés aient une âme dont il vaille la peine de parler, font peu de cas des avortements et des infanticides. Et combien de civilisés, dans l’Inde, en Chine et même ailleurs, qui regardent comme un malheur la naissance d’une fille ! Combien l’exposent ou la font mourir de faim lente ! Une secte doctrinaire a préconisé la pratique malthusienne, la disant un acte de haute prévoyance domestique. Que de réponses absurdes et cruelles a provoquées le problème Social ! Les filles qu’on marierait difficilement dans leur rang, leur caste ou leur fortune, les peuples chrétiens et les nations bouddhistes les « mettent en religion », s’en débarrassent en les cloîtrant dans des couvents. Mais les non-civilisés préfèrent les tuer d’emblée : c’est moins hypocrite. Et les Khonds d’ajouter qu’ils ont à contre-balancer la consommation d’hommes qu’emportent les incessantes guerres et les combats renouvelés.

Infanticide à part, les parents montrent affection et tendresse pour leur progéniture. Soucieuse d’être mère, d’un garçon s’entend, — la jeune femme importune les divinités pour qu’elles bénissent son ventre. Si la grossesse se fait attendre, elle va pèleriner au confluent de deux ruisseaux ou rivières, où un prêtre l’asperge en prononçant des paroles sacramentelles. Longtemps à l’avance, elle s’inquiète du nom que le sort réserve à l’enfant, nom qui sera celui d’un des grands-parents, car les aïeux s’ar-