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filles cher vendues.

avec instance : « Procurez le bien public, l’abondance du pain ! » En matière de foi, inutile de discuter.

Ajoutons que chez nos Khonds et divers Kolariens, l’adultère, — mais faut-il employer si gros mot pour si fragiles mariages ? — l’adultère est de droit, quand se présente un tueur de tigres, auquel des honneurs presque divins sont rendus. Au retour de son heureuse chasse, il est entouré par toutes les femmes du bourg et des alentours, dansant et chantant :

« Qui le tigre a tué aura la plus belle, la plus belle ! »

Combien alors qui se croient la plus belle ! Et quelle famille ne serait heureuse et fière d’avoir un rejeton issu du tueur de tigres !

Puisque nous vendons nos filles, vendons-les « cher », disent les producteurs. Prouvons la noblesse et la distinction de notre progéniture en la plaçant à haut prix. Singbhoum établit le cours moyen pour une demoiselle de bonne maison à quarante têtes de gros bétail, livrables sur l’heure. Donnant donnant, prenez ou laissez. Notre fille attendra ; elle est honnête, préfère le célibat au déshonneur de ne pas être vendue son prix. Tant pis pour les vierges montées en graine et laissées pour compte ; tant pis pour les jeunes gens timides et paresseux au rapt. Mais, quoi qu’ils disent, les parents sont peu flattés que leur fille ne trouve pas preneur ; ils s’indignent quand un voleur, s’adjugeant une « renchérie », fait mine de payer en coups de bâton. Comment remédier à cet inconvénient ?