Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée
15
chiens esquimaux.

mais, gauche comme un débutant, il le rata, ne lui donna pas le phoque. Dès la seconde tentative, il trouva la perfection, et créa l’homme, le vrai, à savoir l’Inout ou Inoït.

Au Smith-Sound on trouva des gens qui n’en savaient pas tant. Ils parurent fort étonnés d’apprendre que leur tribu n’est pas la seule au monde.

Les Inoïts, disions-nous, sont distribués sur une bande de terrain démesurément longue, mais sans profondeur. Leurs campements sont séparés par des espaces déserts et désolés, distants de 15, de 30 et même de 150 kilomètres. Ils hivernent toujours à la même place. Si le patriotisme est une vertu, ils la possèdent au plus haut point. Jamais paysage avec bosquets verdoyants, moissons jaunissantes, saules se mirant dans la rivière aux flots argentins, ne fut plus aimé que ces champs de neige et ces collines de glaces, que ces buttes raboteuses et ces banquises sous un ciel inclément. L’Esquimau s’est fait si bien à son entourage qu’il ne pourrait s’en passer ; il ne saurait même vivre ailleurs, tant il s’est identifié avec la nature qui l’environne. Cependant il voyage quelque peu. En été, il se déplace, vaque à ses expéditions, portant sa tente avec lui ou plutôt la faisant porter aux chiens attelés à son traîneau, chiens de race particulière[1], plus grande que celle des Pyrénées ou des Abruzzes ; elle n’aboie pas, mais hurle horriblement[2]. Il l’a façonnée à son usage par des coups de fouet assénés pendant de longs siècles. Le chien

  1. Curtis, Philosophical Transactions, t. LXIV.
  2. Butler, The Wild North Land.