pagne les ravisseurs, pour écarter de la route les mauvais sorts. Sur les ruisseaux traversés il tend un fil, pont magique à l’intention des esprits protecteurs, qui font conduite à la jouvencelle jusqu’en sa nouvelle demeure ; sans cette précaution, ils ne sauraient traverser les eaux courantes[1]. Ils ne lui diront pas adieu pour toujours ; de temps à autre, ils retraverseront les passerelles, regarderont la femme allaiter son nouveau-né sur le seuil, lui donneront une bénédiction qu’elle reconnaîtra par quelques poignées de riz ; elle ne peut davantage, parce que son culte appartient aux pénates de l’homme qui s’est emparé de sa personne ; son adoration s’adressera aux lares du clan qui l’a ravie.
L’enlèvement simulé, modeste affaire chez les Kolhs du Tchota Nagpour. Les amies de la bru jettent des mottes à la tête des assaillants qui répondent par des quolibets, des agaceries et propos ironiques ; la dispute finit en éclats de rire. Se voyant si mal défendue, la fille ne résiste pas longtemps, s’abandonne après quelques démonstrations de violence, finit par sourire aux vainqueurs, et tout le monde va prendre un bain fraternel dans la rivière voisine. Le jeune homme prend une cruche déposée là tout exprès, et la cache dans les roseaux : — « Cherchez la belle, cherchez ! » L’autre ne manque pas à la découvrir, puis la musse à son tour « — « Trouvez, beau jouvencel, trouvez ! » Il n’a garde de se montrer plus maladroit qu’il ne faut, et cette cruche pleine, il la met sur les épaules
- ↑ Lewin, Hill Tracts. Même croyance chez les Karènes et chez maint campagnard d’Europe. Chez les Mosquitos de l’Amérique centrale, le mort qui veut rester en communication avec les siens, demande que de sa tombe à la maison on tende une ficelle au-dessus des marais et courants d’eau, des ravins et précipices. Hellwald, Naturgeschichte des Menschen.