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« dépouiller le vieil homme. »

position et appela toute la tribu à l’ordre. Devant l’estrade du capitaine, dix-neuf cents individus défilèrent et ployèrent le genou. Roulements de tambours. Manœuvre en quatre temps, six mouvements. Quatre caporaux et deux sergents procédèrent, toujours au nom de Sa Pudique Majesté, à la toilette du beau sexe. Le premier estampillait la femme agenouillée, la marquait au front d’une tache rouge, lui instillait la première pudeur. Elle se relevait, faisait quelques pas, et le deuxième galonné lui mettait la main sur l’épaule et arrachait le feuillage antérieur, — inclinez-vous devant la vertueuse souveraine qui préside aux levers de Saint-James ! Le troisième pioupiou débarrassait la sauvagesse du feuillage postérieur, et toute cette verdure était jetée dans un feu allumé exprès. Le quatrième passait à la pauvrette un jupon, le cinquième le lui bouclait autour des reins, le sixième voyait à ce qu’elle passât la porte. Enfant de la nature elle était entrée, civilisée elle sortait, ayant dépouillé la sauvagerie et revêtu la cotonnade de Manchester.

Il n’y a que les simples pour dire que « l’habit ne fait pas le moine ». À preuve nos Khonds. Tant qu’ils croient aux faux dieux, ils tirent vanité de leur chevelure, qu’ils nouent en panache ; mais, dès qu’ils ont embrassé la religion seule véritable, les missionnaires leur coupent la houppette, en signe qu’ils ont jeté bas le vieil homme et qu’ils participent au céleste héritage[1]. Sans qu’il eût été besoin de faire intervenir les baïonnettes, les Hosses de Singbhoum, renonçant spontanément à la mode antique, avaient compris qu’une pièce de madras est plus souple, plus décorative, et surtout plus voyante que les brancha-

  1. Grundemann, Kleine Missions Bibliothek.