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véracité, virilité.

nous ne contesterons point que la vraie civilisation se développe parallèlement à la sincérité et à la justice ; mais le grand philosophe se fût exprimé autrement, si son séjour aux Indes l’avait mis en contact avec les Gonds et les Khonds, avec les Malers, Birhors, Sonthals et autres, qui tiennent la vérité pour sacrée et ne contractent pas d’engagement qu’ils ne remplissent. Nulle offense plus grave que celle de suspecter leur parole, insulte qu’ils lavent dans le sang, et, s’ils ne peuvent tuer l’offenseur, ils se tueront eux-mêmes. Ces Sourahs, ces Poulayers, respirent la candeur. Ceux qui les traitent de « rebut et d’ordure », les disent incapables de rien imaginer, incapables d’inventer quoi que ce soit en dehors de l’exacte réalité[1].

Avant d’être entamés par la civilisation, avant d’avoir subi la conquête anglaise, ces sauvages se distinguaient par une virile fierté, une joyeuse indépendance, ne rendaient compte à personne de leurs faits et gestes, ne payaient redevance ni à chef, ni a gouvernement, ni à propriétaire ; chacun avait l’entière jouissance de sa personne, de sa maison et de son champ. Indépendance complète, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Nul ne les avait conquis ; depuis vingt siècles, leur peuple n’avait jamais courbé la tête devant aucun étranger : noble orgueil qui se lisait dans leur attitude et leur physionomie. Ils évitaient toute parole obséquieuse, toute politesse qui eût pu paraître humiliante ; pour saluer, ils se bornaient à lever la main. Le plus jeune disait : « Je vais à mes besognes. — Va ! » répondait l’ancien.

Le trait le plus agréable de leur caractère est encore l’affection mutuelle. Les civilisés de la plaine se donnent

  1. Shortt, Hill Ranges.