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les apaches.

qui paradaient avec des brides décorées de scalps qu’ils avaient eux-mêmes levés, avec des dents enfilées qu’ils avaient arrachées à des femmes encore vivantes[1]. À Denver, certain jour, un volontaire rentra portant au bout d’un bâton le cœur d’une Indienne. Après l’avoir tuée d’un coup de feu, il lui avait ouvert la poitrine, pour arracher le trophée que, dans les rues de la ville, saluèrent les acclamations de quelques drôles. Un autre soir, on vit arriver Jack Dunkier, de Central City, portant à sa selle une cuisse d’Indien. Le personnage prétendait n’avoir pas eu d’autre nourriture pendant deux jours. On n’en croyait pas un mot, mais cette fanfaronnade, quel symptôme ! Tel autre se vantait publiquement d’avoir grillé et mangé des côtelettes humaines[2].

Conclusion : En 1820, on évaluait à vingt mille les mâles adultes des Apaches-apaches ; cinquante ans après, le nombre n’était plus porté qu’à cinq mille.


Voleurs de chevaux, voleurs de moutons, il ne leur sera pardonné que lorsqu’ils auront été exterminés jusqu’au dernier. Ce que le propriétaire de brebis hait le plus au monde, c’est le loup, même si le loup a pris forme humaine. Race errante, affamée, altérée, race traquée et poursuivie, race endurante, rusée et passionnée, indomptable à la fatigue et à la souffrance, l’Apache, peuple loup, aura le sort du loup. Le loup périra, mangé par le mouton : le mouton n’est point ce qu’un vain peuple pense. Le mouton avance irrésistible, chassant devant lui les tigres et les lions, chassant l’homme.

— L’homme ?

  1. Pumpelly, Across America and Asia.
  2. Le Monde Pittoresque, 1883.