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chasseurs invétérés.

gneur Bœuf, haut en cornes, avec sa corpulente compagne, et la nombreuse famille de veaux et de velles. Ensuite le Loup, la Louve et les louveteaux, le Renard, la Renarde et les renardins… on voit la kyrielle qui suit — la marche est fermée par un chameau de bosse majestueuse.

Nous avons parlé des Apaches comme d’un peuple toujours existant, toujours agissant ; en réalité, il ne compte plus. Tant qu’ils n’étaient que des sauvages au milieu d’autres sauvages, leur population se maintenait telle quelle, malgré la faible fécondité des femmes, malgré les hasards des combats ; mais quand du haut de leurs montagnes, ils distinguèrent à l’horizon le panache des locomotives, leur arrêt de mort fut prononcé. Pressée de jouir, dévorée de désirs, s’inventant des besoins, notre civilisation extirpe les peuplades envahies, parce qu’elles ne peuvent se plier, instantanément, à la transformation qui lui a coûté une vingtaine de siècles. Or, les peuples chasseurs, tels que les Peaux-Rouges, se montrent récalcitrants à notre culture. Non qu’ils soient inintelligents, mais leur intelligence s’enferme de parti pris dans une spécialité. Né chasseur, l’Apache mourra chasseur. De plus, il est nomade, et, comme dit la sagesse des nations : pierre qui roule n’amasse point de mousse. Tant que le corps n’a pas sa demeure fixe, l’esprit difficilement trouvera son assiette, difficilement s’habituera aux longues réflexions, aux patientes études qui arrachent à la nature ses secrets. Sans y mettre la moindre sévérité, et sans tenir à le « ravaler plus bas que la brute », on peut douter que