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les apaches.

Cependant, d’acte en acte, de scène en scène, les cris se sont faits plus désordonnés, et la boisson aidant, la représentation dégénère en charivari, lequel ne cesse qu’au matin.

Nonobstant sa bouffonnerie, nous voyons dans cette représentation un acte religieux, un vrai mystère. Ces chasseurs s’adressent au surnaturel pour qu’il les mette en rapport intime avec les animaux, afin que le gibier abonde, prospère et se laisse prendre. Nous prenons cette solennité pour un équivalent de la « Danse du Bison » décrite par Catlin, et pratiquée par les Mandanes et la plupart des Peaux-Rouges, — de la fête « des Vessies », à laquelle nous avons assisté chez les Aléouts — des réjouissances « du cerf[1] » que les anciens Romains déguisés en bêtes, sauvages, célébraient aux Lupercales et aux Saturnales de la nouvelle année. Les descendants des Celtes, Germains et Scandinaves, mirent longtemps à s’en déshabituer, sous la pression de l’Église chrétienne, laquelle par ses conciles et synodes, ses homélies et pénitentiaires ne cessait d’admonester et de châtier les superstitieux qui « à Noël ou jours autres », s’entêtaient à « courir les génisses[2] », faire le daim ou le taurel. Plus condescendante, la religion grecque laisse faire les mascarades du carnaval, grand divertissement des moujiks, qui s’en donnent alors à cœur-joie. Tous les bons sujets et boute-en-train du village se mettent dans la peau et le caractère de quelque animal, et la bande joyeuse, accompagnée de musiciens, fait le pèlerinage des cabarets. En tête, comme de juste, l’Ours dansant avec la dame son épouse, au milieu d’oursons folâtrant et d’oursonnes folichonnant. Puis le sei-

  1. Solemnitas Cervuli, d’après Denys d’Halicarnasse.
  2. Saint Firmin, cité dans Mélusine, II.