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les apaches.

malheureux ne vivent guère que de rapines ; leurs maraudes se compliquent de rapt et de meurtre ; leurs combats sont moins des luttes que des assassinats. Rapines, meurtres et massacres, ils en tirent gloire ; méprisent les dégénérés, les esclaves de leurs aises, tous ceux qui ne savent pas vivre dans la sauvage indépendance des déserts. De tous les animaux, pensent-ils, les plus forts et rapides, les plus beaux, sont les féroces et les ravisseurs, et de toute notre espèce, le plus noble est celui qui fait la chasse à l’homme.

On les traite de sournois et perfides, appellations qui les flatteraient ; mais ils protesteraient contre celle de lâches, qu’on leur prodigue. Le courage et la lâcheté ne sont pas des faits d’ordre simple. Certaines lâchetés comportent certains courages. Sans doute, ces truands n’attaquent personne, tant qu’ils ne se croient pas les plus forts ; n’ayant aucun goût pour la haute lutte, ils préfèrent attirer l’ennemi dans un piège, ou se jeter sur lui par derrière, procédé recommandé en haute stratégie, pratiqué par tous les animaux de proie ; ces chasseurs ont appris du gibier à se dissimuler. S’ils font des prisonniers, ils emmènent les filles et les femmes, et tout d’abord les jeunes garçons, dont ils ont besoin pour remplir les vides que la mort ou les aventures produisent dans leurs rangs, et que les naissances ne suffisent point à combler, car elles sont peu nombreuses. Par suite des privations et de la vie beaucoup trop rude qu’endurent les parents, les enfants naissent moins robustes qu’on le suppose ; rarement ils ont une constitution assez bien trempée pour les mener jusqu’à quarante ans[1]. Plusieurs blancs qu’ils avaient cap-

  1. Fossey, Mexique.