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les apaches.

Ils possèdent le petit bagage intellectuel commun à la plupart des Peaux-Rouges : la notion d’un Grand Esprit, peut-être même de plusieurs, la tradition d’un déluge, diverses légendes. Ils vénèrent l’Ours, et ceux de son totem n’en voudraient pas manger la viande ; ils tiennent pour sacrés le hibou, les oiseaux blancs, et l’aigle en premier lieu. Un aigle immense et prodigieux en clignant de l’œil lance les éclairs, et en battant des ailes produit les éclats de la foudre. De lui sont issus les Apaches, car il s’unit à leur mère-grand Istal Naletché, laquelle donna le jour à Nahinec Gané et à Toubal Lichiné, ce dernier l’Ancêtre, le héros qui avec ses flèches tua le serpent Python, au moment où le monstre allait le dévorer[1]… C’est ainsi que les malheureux Apaches racontent le grand mythe de l’Aigle et du Serpent, d’Ahi et d’Indra, symbole antique et grandiose, qui appartient également à l’ancien monde et au nouveau, sujet trop vaste et compliqué pour que nous puissions l’aborder.

Des voyageurs ont refusé à ces hordes tout sentiment poétique ou religieux. Ce n’est pas étonnant. En matière de conscience, les sauvages se taisent autant qu’ils peuvent ; ils n’aiment pas à s’expliquer sur leurs choses intimes, — et les blancs nient imperturbablement tout ce qu’ils n’ont pas vu, tout ce qu’ils n’ont pas su deviner.

Des missionnaires espagnols avaient essayé de convertir ces malheureux Indiens, mais ont dû y renoncer par la raison qui fit échouer des tentatives analogues sur les Tasmaniens, quand il en existait encore. L’enseignement s’adressait à des intelligences bornées, dépourvues de la faculté d’abstraction qu’une longue culture a déve-

  1. Malte-Brun, Annales, 1853.