Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/170

Cette page n’a pas encore été corrigée
150
les apaches.

ils sont nés cavaliers, — nos affamés vont à la maraude ; au nombre de trois ou quatre, rarement plus d’une douzaine, — car il faut vivre en route, — ils traversent d’énormes distances en quête de quelque proie ; heureux quand ils tombent sur un maigre herbage où ils trouveront des sauterelles, un lézard, quelque oiseau de rencontre ; en attendant, ils grignotent leurs tasajo, lanières de viande desséchée au soleil ; ils jeûnent, jusqu’à ce que la bonne Providence les dirige sur une rancheria isolée ou sur une troupe de voyageurs. Ils n’attaqueront à face découverte que s’ils ne peuvent faire autrement, ou si leur supériorité est évidente. Comme le loup ils s’embusquent : ils se cacheront, se blottiront pendant des journées, déguisés en arbrisseau, en rocher, en bille de bois ; et, au moment opportun, se jetteront sur leurs victimes, tuant les hommes, emmenant parfois des femmes pour en faire des esclaves, des enfants dont ils tireront rançon ou dont ils feront des brigands ; mais avant tout, se saisissant des chevaux et mulets, qu’ils pourchassent devant eux. Avant qu’on ait pu se mettre à leur poursuite, ils ont fui comme le vent dans le labyrinthe des gorges et des cagnons, dans ces déserts de sable brûlant, vrais lacs de feu, « traversées de mort », jornadas de muerte, comme disent les Mexicains. Pumpelly rapporte que, voyageant à travers ces terribles régions et la fatigue lui montant au cerveau, il fut pris pendant plusieurs jours d’un accès de folie. Les ravisseurs sont comme chez eux dans le désert et la montagne, doublent, triplent les étapes. Criblées de coups et de blessures, éreintées, fourbues, les bêtes capturées tombent mourantes devant la tanière des louves et des louveteaux à face humaine, qui les saluent de hurlements joyeux.