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dépopulation.

tira 2,500,000 peaux d’ours marins, pendant les trente années qui suivirent la découverte[1]. On tua tant, que certaine année[2], environ 800,000 peaux étaient entassées dans les magasins, et comme on n’en avait pas l’écoulement, on en brûla la majeure partie. L’exploitation atteignit son terme logique : la ruine. Ce pillage finit par coûter au delà de ce qu’il rapportait ; « l’affaire ne payait plus », et en 1867, l’on vendit l’Aléoutie aux États-Unis, avec ce qu’elle contenait encore d’Aléouts.

Que feront les Américains de ce nouveau territoire dont ils ont maintenant la responsabilité ? Comment traiteront-ils les indigènes ? — À la façon des Peaux-Rouges, probablement. Voudraient-ils ressusciter l’infortunée peuplade, ils ne pourraient : elle agonise déjà. Mais s’ils veulent adoucir sa fin, qu’ils se hâtent.

Affamée, fatiguée, surmenée, la population a pris l’existence en dégoût. Pourquoi se donner des enfants qu’on serait incapable de nourrir ? Pourquoi augmenter le nombre des malheureux ? Quand abordèrent les civilisés, escortés de leurs bienfaits, les Aléouts nombraient cent mille, s’il faut en croire les premiers trafiquants, mais le chiffre nous paraît très exagéré. L’évaluation, peut-être encore trop forte, donnée par Chélikof en 1791, portait cinquante mille âmes, dont le père Joasaph se vantait d’avoir converti tout un quart. En 1860, les registres paroissiaux n’accusaient plus que dix mille individus, et, dans ce total, comprenant les Russes et les métis, les Aléouts proprement dits n’entraient que pour deux mille environ[3]. Le

  1. 1787-1817.
  2. 1803.
  3. Le recensement américain opéré en 1880 sur le territoire d’Alaska, par M. Petrof, indique 2,214 Aléouts, et 16,303 Inoïts, éparpillés dans