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le paradis sous-marin.

et des poissons[1]. Des missionnaires vantaient les félicités du paradis chrétien. On les interrompit :

—  « Et les phoques ? Vous ne dites rien des phoques. Avez-vous des phoques dans votre ciel ?

—  Des phoques ? Non certes. Que feraient les phoques là-haut ? Mais nous avons les anges et les archanges, nous avons les chérubins et les séraphins, les Dominations et les Puissances, les Douze Apôtres, les vingt-quatre vieillards…

—  C’est fort bien, mais quels animaux avez-vous ?

—  Des animaux, aucun… Si, cependant, nous avons l’Agneau, nous avons un lion, un aigle, un veau… mais qui n’est pas votre veau marin, nous avons…

—  Il suffit. Votre ciel n’a pas de phoque, et un ciel qui manque de phoques ne peut pas nous convenir ! »

Au fond de l’Océan résident les bienheureux, les arcissat, recrutés parmi les baleiniers héroïques, parmi les bons marins noyés dans la tempête, parmi les hommes de cœur qui se sont suicidés plutôt que de vivre à la charge de leur famille, parmi « les femmes bien tatouées » mortes en couches, alors qu’elles accomplissaient le grand devoir de la maternité. Devant ces vaillants et vaillantes, les portes du Paradis sous-marin s’ouvrent d’elles-mêmes. Mais le commun des martyrs n’y pénètre que par le « sentier du Chien », chemin obscur, passant par les fiords, par des fentes de rocher ; il faut dévaler cinq jours durant ; on n’arrive que les membres meurtris et ensanglantés, si l’on arrive. Un coup de vent prenant par le travers, une glissade malencontreuse, et l’on choit dans quelque précipice. À certain moment, il faut se tenir en équilibre sur une roue tournante, lisse et polie, puis

  1. Rink, Markham.