Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/138

Cette page n’a pas encore été corrigée
118
les inoïts occidentaux.

transmettent aussi leurs qualités nocives ; c’est pour cela que, dans les convois, le cadavre, emporté dans un drap, est suivi immédiatement par un chien ; mesure de prudence : on a calculé que si la maladie quittait le corps de sa victime, elle entrait dans l’animal[1]. En se montrant, les revenants propagent la faim-valle, appétit vraiment effrayant, goulosité qui ne peut s’assouvir. Un conte inoït[2] dit l’histoire d’un scélérat qui viola une tombe, en retira de la graisse humaine avec laquelle il frotta certains morceaux de choix. Son hôte les avala, mais pris aussitôt de folie, se jeta sur sa femme qu’il déchira à belles dents ; dévora ses enfants, dévora ses chiens ; on le tua, autrement, il eût dévoré tout le monde.

Aux temps de la barbarie chrétienne, les églises s’entre-dérobaient les trésors qu’elles présentaient à la vénération des fidèles, chipaient une boucle de la Vierge Marie, empruntaient, pour ne pas le rendre, un ongle de saint Pierre. De même en Aléoutie, des amateurs furettent après les corps sacrés des baleiniers, et les filoutent, s’ils peuvent ; les confréries volent les confréries. Telle famille possède dans son sanctuaire une douzaine de dieux dont elle n’oserait avouer l’origine, secret transmis par le père à ses fils. Foin de la moralité vulgaire ! Il serait honteux de voler une fourrure, exécrable d’emporter un morceau de corde sans permission, mais c’est chose louable que de se procurer des saints patrons et génies protecteurs, par ruse ou par violence[3].

Dans ses explorations de l’Archipel[4], M. Pinard eut la

  1. Journal des Missions évangéliques, 1881.
  2. Rink, Eskimo Tales.
  3. Cf. Juges, XVII, XVIII.
  4. 1872-1873.