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les inoïts occidentaux.

vite il répond, mais d’une voix indistincte, en mots ambigus et incohérents ; onques oracle sibyllin ne fut plus mystérieux.

À la rigueur, il n’était pas indispensable que l’angakok mourût pour servir d’intermédiaire entre les deux mondes, puisque son corps sert toujours de réceptacle à un ou plusieurs revenants. En affaires privées, les sorciers donnent leurs consultations dans une cabane ; on les étend, mains attachées derrière le dos ; tête entre jambes, à côté d’un tambour et d’une peau étendue ; puis, les lumières éteintes, on se retire en fermant la porte. Au bout de quelque temps, on entend le captif tambouriner en invoquant son Génie, dont l’approche, indiquée par des coruscations et phosphorescences, s’annonce par un certain bruissement de la peau sèche et tendue. La conversation s’engage ; demandes et réponses semblent partir du dehors. Quand on rentre avec des lumières, plus personne : le prophète et la divinité ont disparu par le trou de la cheminée. Inoïts et Peaux-Rouges croient mordicus à cette performance, dont le truc est peut-être celui des frères Davenport, célèbres par leur armoire.

Évidemment, les acteurs du drame ci-dessus n’avaient reçu que de prétendus coups de couteau. Les Ahts, plus difficiles à contenter, veulent voir l’arme s’ensanglanter, et volontiers mettraient le doigt dans la blessure, comme le Thomas des Évangiles. Toutefois, ils n’exigent point que l’acteur meure sous leurs yeux, permettent de le panser et de l’emporter, pourvu qu’il ne reparaisse pas de quelque temps.


Ces drames sont avant tout, et d’un bout à l’autre, des opérations magiques ; insistons sur ce fait. Le sorcier