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vénerie mystique.

ils abattent un renne, ont soin d’entourer de mousse quelque fragment d’un organe essentiel, de le mettre révérencieusement sous une pierre, ou de l’enterrer sous une motte, à l’endroit même où la bête était tombée. Et quand ils ont pris un phoque, en l’ouvrant, ils lui jettent quelques gouttes sur la tête ; sans doute afin que l’âme se réfugie dans l’eau, qui tôt ou tard trouvera le chemin de la mer, grande fontaine des existences. — Quoi qu’il en soit, les applaudissements sont perdus pour le fugitif, ses persécuteurs le harcèlent, gagnent du terrain, marchent sur ses talons et l’affleurent du poignard. Enfin, ils lui jettent un lacet aux jambes, le renversent, le ficellent aux quatre membres, l’enveloppent dans une couverture, et le traînent derrière un rideau. On entend un bruit de lames qui s’entrechoquent, quelques gémissements étouffés, puis les bruits s’éteignent.

Nouveaux actes, nouvelles chasses. Chaque fois un autre gibier est mis en scène ; malgré son agilité, malgré son adresse, il ne peut éviter le coup fatal ; toutefois, avant de tomber, chaque bête pourvoit à la continuation de l’espèce ; une potée d’huile, une marmite de graisse a flambé, illuminant la salle entière.


Au terme du mystère, quand le dernier acteur — un prêtre — vient d’être expédié, on profite de son trépas momentané pour prendre l’avis d’outre-tombe sur les affaires pendantes. Il faut savoir que les masques sont hantés par le génie de l’homme ou de l’animal qu’ils représentent. Autant de masques, autant de dieux. La larve du divin personnage qu’on tient à consulter est plaquée sur la figure du chamane tué à l’instant : il frémit, ses membres se convulsionnent. L’Esprit entre en lui. Vite on interroge,