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les inoïts occidentaux.

souris, des oiseaux empaillés avec soin sont suspendus à des ficelles[1]. Surgit une sourde et lente cantilène :

Hi yangah yangeh,
Ha ha yangah[2]

indéfiniment répétée, qui, semblant venir des profondeurs de l’espace, se rapproche, s’avive et s’accentue en éclats de tonnerre, puis s’arrête brusquement. Un rideau se lève. Paraît un chamane, cheveux flottants, figure masquée en mufle, manteau accoutré d’affiquets bizarres, de colifichets fantasques. Gravement il se dirige vers le foyer, les spectateurs lui faisant place avec respect : il traverse le cercle des chanteurs et chasseurs, contemple longuement la flamme avec son masque aveugle. Soudain, il se met à courir dans le sens du soleil. Les chasseurs le saluent de cris sauvages, brandissent leurs poignards, et se lancent à sa poursuite comme une meute. L’autre détale, file comme le vent. Il pressent les coups envoyés à son adresse, les esquive avec une admirable agilité ; son masque ne l’empêche pas de tourner et virer, de sauter à droite, de bondir à gauche. Tout en fuyant, il saisit un tison qui, lancé au toit, retombe sur le sol et fait jaillir de vives étincelles.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Que traqué par ses persécuteurs, le gibier oublie ses dangers pour reproduire son espèce ; exploit que toute l’assistance fête par des acclamations. Ce n’est pas tout de tuer le gibier, il faut encore que le gibier se reproduise, que la race ne s’éteigne pas. Aussi les Esquimaux, quand

  1. Wrangell, Observations dans le N.-Ô. Amérique.
  2. Hooper’s Tuski.