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les inoïts occidentaux.

veillant. L’angakok, sorcier pour le bon motif, défend son peuple contre les multiples incursions des démons, qui affectent la forme de cancers, rhumatismes, paralysies, et surtout de maladies cutanées que des civilisés attribueraient à la malpropreté. Il disperse la maudite engeance, pourchasse l’ignoble tourbe, exorcise le malade, le goupillonne avec de vieilles urines, à l’instar des docteurs à poison bochimans[1]. Les Cambodgiens aspergent également le démon de la petite vérole avec de l’urine, mais cette urine est celle d’un cheval blanc[2]. Et sans aller si loin que l’extrême Orient, les rustres slaves secouaient sur leur bétail des herbes de la Saint-Jean, bouillies dans l’urine, pour le préserver des mauvais sorts. Nos paysannes de France se lavaient les mains dans leur urine, ou dans celle de leurs maris ou de leurs enfants, pour détourner les maléfices ou en empêcher l’effet. Le juge Paschase fit arroser de ce liquide la bienheureuse sainte Luce, qu’il prenait pour une sorcière[3]. L’angagok, que le diagnostic embarrasse, a recours à un procédé vraiment ingénieux : il attache à la tête du malade une ficelle, la fixe par l’autre bout à un bâton qu’il lève, tâte, soupèse, tourne en tous sens. Suivent diverses opérations ayant pour objet d’arracher à l’araignée de malheur les chairs qu’elle dévore ; il les nettoiera, les raccommodera autant que faire se peut — d’où son nom : Ravaudeur des âmes.

Une méchante sorcière, invisible mais présente, peut déjouer les efforts du conjureur, et même lui communiquer la maladie et le rendre victime de son dévouement ;

  1. Th. Halm, Globus, XVIII.
  2. Landas, Superstitions annamites.
  3. Thiers, Des superstitions.