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pratique médicale.

exercé l’angakokat, sont morts de mort violente. Les docteurs spirites de là-bas recommandent à messieurs les assassins, sitôt le meurtre commis, d’arracher le foie, siège de la force et de la vie, de le manger palpitant encore : moyen d’échapper aux représailles de la victime, qui autrement se démènerait en furie, entrerait dans le corps du meurtrier, le ferait tourner en démon. Cela s’explique assez bien.

Grand truc pratiqué par tous les maléficiants du monde : s’emparer d’une viande qu’a entame la personne à qui l’on veut nuire ; la mettre à pourrir dans une tombe, pour que le mort, en la rongeant à son tour, soit mis en communication avec l’individu trahi et dévore sa substance. De là le nom donné au jeteur de sorts : « Celui qui fait dépérir[1]. » Cet artisan de malheur entre aussi en relation avec la Lune mauvaise, la Lune en son décours, qui a la spécialité de tirer à elle les entrailles des rieurs immodérés. Les victimes d’Hécate vampirisent les vivants, sucent les viscères et organes vitaux ; se transforment en une araignée, visible à l’angakok, laquelle exhale son haleine empoisonnée dans les intestins, y plonge de longues pattes noires et crochues.

L’ensorcelé, s’il en a la force, se présente à la porte du mire-sorcier, — et crie : — « Hé ! hé ! on a besoin de toi ! » L’homme de l’art ne répond pas tout d’abord, se fait répéter l’appel : à la voix, à l’accent du malade, il devine la maladie et même qui l’a envoyée. Car il n’est indisposition qui ne soit provoquée par la haine de quelque vivant, ou le souffle pestilentiel d’un mort dépiteux ; même la fracture d’un membre est attribuée à un esprit mal-

  1. Kousouinak, Ilisitsout, pluriel d’Ilisitsok.