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XI

MAGISME DE L’EUCHARISTIE
Opus operatum, Ordalie, Remède


D’honnêtes libéraux trouvent à redire que l’eucharistie opère magiquement, ou, pour employer un mot théologique plus récent, par les vertus de l’opus operatum, ils voudraient que le pain sacré ne fût « agissant » que par la foi du fidèle qui l’ingère. Mais l’Église a prononcé, de son autorité souveraine elle a imposé silence aux controversistes et malcontents. Au Concile de Trente où le dogme a été discuté à fond, les dominicains et franciscains, qui se battaient comme chiens furieux sur tout le reste, se sont trouvés d’accord sur le point principal, à savoir que la grâce et la foi sont les résultats, non la cause efficiente du sacrement. Si la foi précédait l’action miraculeuse et devait en être la condition indispensable, le Créateur n’aurait de pouvoir que par la bonne volonté de sa créature, le miracle dépendrait de l’homme et non point de Dieu. Pas plus que l’émétique ou la strychnine, l’hostie ne requiert pour agir l’assentiment de la personne. Dans la consécration du pain, rien n’est abandonné au sentiment, à la dignité morale, rien à la sincérité et a l’honnêteté du cérémoniaire qui peut être un pervers et un scélérat, sans que l’hostie en souffre le moins du monde. Pourvu que les paroles sacramentelles sortent distinctes de la bouche du prêtre valablement consacré, Dieu est panifie, le pain divinise. La manipulation ne laisse pas que d’être délicate, il faut bien qu’elle soit digne de la messe, triomphe de la discipline, de la messe dans laquelle l’officiant doit exécuter de huit à neuf cents mouvements suivant la consigne, avec la précision mécanique du soldat exécutant la charge en douze temps, ou du canard automate de Vaucanson. Mais ces détails minutieux, ces précautions, ces marques de