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LE PAIN

« Nous sommes de la race de Dieu qui a fait d’un seul sang tout le genre humain, de Dieu en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être. »

De la doctrine orthodoxe de l’Eucharistie, comme d’un terrain propice, surgit une végétation empoisonnée d’hérésies et d’insanités. Les sacristies, moineries et nonneries du moyen-âge savouraient des récits, qu’on se faisait à l’oreille, de pratiques obscures dans lesquelles un mysticisme obscène s’accouplait à de cruelles orgies. Jusqu’à nos jours, les ruines des châteaux et forteresses des Templiers sont hantées par des légendes qui ne peuvent toutes être mensongères. La Russie souterraine des dissidents ou schismatiques contemporains nous donne une idée probablement approchée de ce que le moyen-âge catholique recélait en ses recoins écartés. Il suffit de soulever un peu les voiles qui cachent aux regards profanes les rites secrets des Rascolniks pour deviner les niaises atrocités qui ont dû se produire maintes fois dans l’occident de l’Europe et sur lesquelles nous n’avons que des renseignements incomplets. Voyez par exemple ce que Pellican rapporte de la secte des Flagellants : ils partent de la doctrine que leur sacrement de la Sainte-Cène n’est valable que chez eux, que seuls ils possèdent la formule qui donne le vrai corps de Christ, le vrai sang de Christ. Tous les prétendus chrétiens trompent ou sont trompés sur ce point essentiel. Leur communion à eux se fait avec de la chair qui est de chair, avec du sang qui n’a rien de symbolique. Une fillette de quinze à seize ans est apportée dans une baignoire. D’affreuses vieilles s’approchent, lui excisent la mamelle gauche qui, mise sur un plat, est tout aussitôt découpée en morceaux qu’on avale crus et chauds. Sanglante et défaillante, la victime est ôtée de sa baignoire, enveloppée d’un manteau rouge et sise sur un trône autour duquel l’assemblée se met à danser et à crier, à crier et à danser, pour étouffer, dans le vacarme et l’excitation, les gémissements de la malheureuse et la compassion dans les cœurs. On chante à tue-tête une hymne dont voici une strophe :