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L’EUCHARISTIE ET LA TRANSSUBSTANTIATION


En sa signification première et immédiate, la Sainte Cène est un repas funèbre. Suivant la formule même de l’institution, le Sauveur des hommes, la veille de sa crucifixion, prit le pain, le rompit et dit : « Prenez, mangez, faites ceci en mémoire de moi. » Il parlait comme ayant déjà un pied dans la tombe. Le Saint-Sacrement est une communion avec le divin mort : « Nous sommes ensevelis avec Christ. » C’est une échappée de la vie dans l’existence d’outre-tombe, c’est la pénétration de notre âme par les éléments divins et cette opération est le secret de la résurrection ; c’est parce que nous participons à la mort du Christ que nous serons faits participants à son éternité.

Nous avons le regret de nous séparer un instant de Saint-Augustin, la plus haute autorité du christianisme après l’apôtre Paul, mais nous ne croyons pas qu’il ait été dans la vraie tradition de l’Église primitive quand il détourna sa mère Monique de faire comme les fidèles de Milan qui portaient à manger et à boire dans le cimetière pour y prendre le repas sacré et le partager avec les pauvres de passage. Nul endroit n’était mieux approprié que la demeure des morts à la fête anticipée de la résurrection et nuls hôtes n’étaient mieux qualifiés à une invitation que les indigents que Christ plus d’une fois avait déclarés être ses représentants visibles sur la terre. Théoriquement, le repas funèbre était l’accomplissement d’un grand mystère, la fusion momentanée de deux incompatibilités, la pénétration du temps par l’Éternité. Qu’importait que les morts fussent séparés par un double abîme, celui des morts en bas et des immortels en haut, quand ils étaient tous admis à « boire de la même coupe, admis à manger du même pain ». L’homme se