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le pain

n’est autre que le pain, elle est le pain déïfié, son diminutif en volume, son augmentatif en puissance ; du reste, la modification de forme est assez récente. Au XIIe siècle, des pains à chanter, oublies, oblates ou hosties, comme on les appelle indifféremment, s’introduisirent dans les repas religieux. Jusque-là, les communiants apportaient eux-mêmes le pain au prêtre pour le faire bénir et même, pendant un certain temps, les familles de haute noblesse française conservèrent le privilège de faire consacrer, pour leur usage exclusif, des hosties à leurs armes, dont elles faisaient usage aux jours de gala et dans les circonstances exceptionnelles. Les journaux contemporains parlent même de certains marquis « qui, ne vivant que pour son blason, le mettrait partout, jusque sur les hosties avec lesquelles il communie en sa chapelle patrimoniale ». Sitôt après la Réformation, la plupart des protestants et la totalité des dissidents abandonnèrent l’usage des hosties pour revenir à la coutume primitive de rompre le pain.

Nous disions que nos paysans parlent du pain comme d’une divinité :

« Si tu pèles le pain par le bas, tu écorches le talon au bon Dieu. »

« Si, sans y prendre garde, tu fiches ton couteau dans la miche et l’y oublies, elle se met à saigner goutte après goutte, malheureux, tu fais saigner le corps du Christ et les pauvres âmes versent des larmes de sang ! »

« Puisque Christ est le pain de vie, disent les Tchèques, il faut croire que le pain de vie est Christ. »

« Qui jette le bon pain à terre n’entrera jamais au ciel » ; il a commis le péché qui ne se pardonne pas, le péché contre la troisième personne de la Trinité, en tant qu’elle est l’Esprit de Vie ou la Vie elle-même.

Pour éviter les répétitions, nous ne parlerons pas spécialement du pain bénit dont les vertus sont en tout semblables à l’hostie, mais amoindries.

C’est presque à regret que nous ne vantons pas les qualités du pain mouillé par la rosée. Pas n’est besoin d’expliquer la puissance du charme qui se produit quand la plus noble des créatures terrestres s’imprègne de ce qu’il y a de plus pur dans les régions aériennes.

Notons avant d’aller plus loin que l’encens venant à manquer dans les églises, son parfum peut être remplacé par l’odeur du