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Suivant l’antique droit germanique, tel que le philosophe et jurisconsulte Gaius l’a déduit de la coutume des Aryas, le fils n’entrait en possession de l’héritage qu’après avoir servi aux mânes paternelles le repas funèbre. Ce repas, dans lequel s’effectuait le transfert d’autorité, le changement de règne, avait triple caractère : le mort y faisait remise du bâton de commandement à son successeur ; il adressait des adieux définitifs à la famille assemblée devant lui ; il s’entourait, pour la première fois, des défunts, ses futurs compagnons qui devaient l’introduire dans les sombres demeures, et qui étaient portés à lui faire une réception d’autant plus favorable que le festin auquel ils avaient été invités s’était montré plus somptueux.

L’anniversaire du décès était naturellement célébré par un repas auquel l’ancêtre était censé amener les membres de sa famille qui l’avaient accompagné ou suivi dans la tombe. Peu à peu, ces fêtes devinrent une pension alimentaire servie, non plus seulement au chef de la tribu ou de la gens, mais à tous les aïeux, suivis de leur cortège de serviteurs et clients.

Le premier devoir que la loi de Manou imposait au chef de maison était d’allumer un feu en l’honneur des ancêtres et de leur offrir des gâteaux de riz et des libations. Le patrimoine d’une famille avait été primitivement constitué en bien de main-morte, le fondateur de la race en restait l’éternel propriétaire, et les descendants en leurs générations successives n’en étaient que les usufruitiers. De là les répugnances manifestées en tant de pays pour l’aliénation, et, même, pour la simple subdivision du patrimoine, car l’ancêtre qui s’était incorporé à la terre, le dieu patron de la gens, ne pouvait être aliéné, ne pouvait être scindé. La perpétuité de l’héritage était assurée par la perpétuité du repas funèbre servi aux aïeux. Ce repas entretenait les bonnes relations de l’éponyme et de sa descendance. Tantôt les vivants conviaient le mort, tantôt le mort était censé convier les vivants. Entre de ci et de là, les communications n’avaient pas été brusquement et rigoureusement interrompues, comme elles le sont chez nous.

C’est parmi les héros du temps jadis que se sont recrutées les diverses cours célestes. Les armées des morts ont peuplé de génies les airs, la terre, les eaux, les fleuves et fontaines, les