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le pain

Très-Saint les illuminait et leur communiquait ses vertus divines. Tant qu’ils étaient renouvelés, la Maison d’Israël ne devait pas manquer. Ces « pains de proposition » étaient le porte-bonheur du peuple de Dieu, constamment regardé par Javé d’un « œil favorable », ils étaient le réceptacle de ses bénédictions. Ce fut peut-être en imitation de cette prescription de l’Ancienne Alliance que, dans la Nouvelle, il fut longtemps coutume d’enfermer dans la boule du clocher, juste au-dessous de la Sainte-Croix sur laquelle était perché le coq symbolique, d’enfermer, disons-nous, un ou plusieurs boisseaux de blé. Les uns plantant, les autres arrosant, les uns et les autres mettaient du grain en plein ciel, le plus près possible du « Dieu qui donne l’accroissement » ; plus large était l’offrande qu’ils avaient faite, plus devaient être riches les moissons qu’ils attendaient. Encore aujourd’hui, la grandeur des clochers est évaluée par la contenance en blé ou or de leur boule.

Le dôme qui est élevé au Caire sur la Mosquée sépulcrale de l’Iman porte à son sommet une barque dans laquelle, naguère encore, on déposait des cruches d’eau du Nil et cinq boisseaux de blé dont les oiseaux étaient seuls à profiter. Mobile sur un pivot, la barque est une grande girouette, fort observée par les fidèles qui notent attentivement ses girations, surtout celles qui se font dans le vent ou malgré le vent ; car on dit que ses mouvements sont prophétiques et annoncent des événements publics d’une haute importance, tels que des guerres heureuses, la mort de personnages considérables, l’abondance ou la disette.

Notre première idée avait été de voir dans cette pratique musulmane en Égypte un anneau de transition entre la coutume juive et la coutume chrétienne, mais, après réflexion, nous sommes portés à lui attribuer la plus ancienne origine, et à la considérer comme un souvenir de la barque solaire qui jouait un si grand rôle dans les conceptions religieuses, et, en même temps, comme un souvenir des barques d’offrandes à Osiris, le divin Agriculteur, auquel on payait religieusement son tribut, afin qu’il regardât d’un œil favorable le pain et le blé de l’Égypte. Suivant cette interprétation, la barque de blé tout en haut de la mosquée serait une sorte d’autel aérien.

Les lamas bouddhistes s’y prennent autrement. Leur invocation au ciel n’est pas toujours faite que pour leur paroisse, que pour leur pays. En une certaine occasion, ils le prient pour la