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CONCLUSION


Les croyances et superstitions relatives au pain sont tellement nombreuses et variées que nous ne prétendons pas avoir fait autre chose que les effleurer. Le filon que nous avons entamé est riche, il mène avant dans le cœur de l’humanité, dans la connaissance de ses aspirations les plus délicates et profondes. C’est qu’il n’est pas de question plus importante que celle de l’alimentation ; chaque jour elle se dresse aussi impérieuse, aussi absorbante que la veille ; à des multitudes il faut chaque matin la résoudre ou pâtir, sinon périr. Autour du plus concret des problèmes, les plus abstraits se sont groupés le plus naturellement du monde ; et c’est parce que l’homme doit vivre de pain qu’une voix bien connue s’est écriée que l’homme ne vit pas de pain seulement.

Sans qu’on y ait même pris garde, il s’est trouvé que les faits d’expérience journalière concernant la nourriture et les moyens de se sustenter ont été transportés dans le domaine spirituel et, grâce à quelques modifications dans la phraséologie, ont passé pour de sublimes spéculations métaphysiques. Une fois qu’ils ont été traduits dans le langage de l’École, on a oublié leur origine et leur signification première ; on les a traités comme des propositions qui auraient été formulées par la raison impersonnelle, ou par des esprits en dehors de notre globe. De même Minerve fut dite sortie du cerveau de Jupiter, haute et fière, casque en tête, lance en main.

Nous prétendons, au contraire, que la philosophie du passé a les plus modestes origines, origines qui n’en valent pas moins pour être réelles et n’avoir rien de fantaisiste. Toutes absurdes qu’elles puissent être, les superstitions portent avec elles leur enseignement pour les éthnologistes et mythologistes, non moins qu’en anatomie les monstruosités et les arrêts de développements. Croyances abandonnées et rejetées par la popula-