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mule : « Ménagère ou courtisane », que nous avons eu la mortification d’entendre répéter en plein xixe siècle comme le dernier mot de la science sociale et même révolutionnaire.

Des poètes, comme Euripide, reprochèrent aux Dieux qu’ils eussent fait dépendre de la femme la procréation et l’entretien de la famille. Le « divin Platon », qu’on dit le plus grand des philosophes et le premier des pères de l’Église, donna pour sacrées les amours contre nature ; on les préconise comme antidote à l’attrait naturel d’un sexe vers l’autre. Ne pouvant supprimer la maternité, fait physique, on la nia, fait moral. Un terrible procès posa la question en des termes comme on n’en pouvait imaginer de plus crus ; l’antiquité discuta passionnément de la légende d’Oreste : le fils d’Agamemnon avait assassiné sa mère pour venger le meurtre de son père ; Clytemnestre, de son côté, avait fait expier à son époux le meurtre de leur fille Iphigénie… Eh bien ! le matricide fut absous, Minerve elle-même descendit de l’Olympe pour plaider sa cause devant l’Aréopage. Il fut décidé que ce fils avait agi droitement et sainement, qu’il devait tout au père qui l’avait engendré, rien à la mère qui l’avait porté dans ses entrailles ; une fois pour toutes, il fut admis que le fils n’est pas même parent de sa mère et qu’il est de toute autre race. Contre cet arrêt des Dieux s’élevèrent des protestations qu’on étouffa comme impies : du reste, elles étaient impolitiques au premier chef, mal vues par l’opinion dominante. Enregistrons celle des tziganes, misérable tribu indoue, réputée vile parmi les viles : — « Vantez-vous d’être une race de héros, il nous suffit, ô fils de brigands, d’être chaudronniers et voleurs de chevaux ; vantez-vous d’être les fils du mâle, nous nous glorifions de rester fils de la mère ; fils de la femme nous étions, fils de la femme nous resterons ! »

Aux premiers pères entichés de leur paternité, il ne suffisait point que des enfants fussent nés, pour qu’ils daignassent les reconnaître et les élever. Jusqu’à ce que le maître fit sien, en le ramassant, le paquet que la mère avait laissé tomber, le rejeton n’existait pas, légalement parlant. De là, les pratiques de la couvade, coutume extraordinaire, dont on ne peut trop admirer la haute absurdité. Pour bien montrer que le nouveau-né cesse d’appartenir à la mère, s’il lui a jamais appartenu, le père se met au lit, absorbe potions et tisanes, se gare des courants d’air, envoie la mère travailler aux champs, et majestueusement tend son petit doigt au nourrisson pour qu’il le suce.

La plus noble des institutions patriarcales, contre-partie de la