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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

tition sus-indiquée, fût-elle vraie au début de l’entreprise, ne serait vraie qu’au premier moment ; car l’argent une fois donné reste toujours égal à lui-même, tandis que le travail de l’ouvrier se renouvelle constamment, et donne, par conséquent, à l’entreprise une valeur croissante et toujours nouvelle. Donc la part du capital dans les bénéfices nets doit être toujours stationnaire, tandis que la part de l’ouvrier doit augmenter constamment. » Voici l’ingénieuse théorie qui a été donc présentée par l’auteur du Cooperator’s Jandbook :

» Travail et capital sont des termes correspondants. Le capital est du travail accumulé ; le Travail est un capital qui s’accumule. L’intérêt est le salaire du capital ; les salaires sont les intérêts du travail. — Le travail est créateur, le capital est créé ; le travail augmente et progresse, car il est vivant ; le capital reste stationnaire, car il n’est lui-même qu’un produit. En tenant compte de ces faits, supposons qu’il s’agisse, comme dans l’exemple précédent, d’une entreprise ainsi constituée :


» Capital touchant régulièrement son intérêt de 5 % 
 fr. 1 000 000
» Montant des salaires annuels 
 » 100 000
» Après prélèvements pour intérêts, amortissements, etc., le bénéfice net est de 
 fr. 100 000

» Au bout de dix années qu’on suppose en tout semblables à la première, et dans lesquelles on aurait, par hypothèse, laissé dans la caisse les intérêts intacts et improductifs, le capital, les salaires et les bénéfices s’élèveraient tous les trois à la somme de un milion chacun.

» Le capitaliste représenté par un million de capital et l’ouvrier représenté par un million de salaires, ayant chacun contribué à l’obtention du bénéfice, se partageraient par moitié le million ci-dessus, et toucheraient chacun cinq cent mille francs.

» Et si l’on applique ce même système à une période de cent ans, les dix millions de bénéfice seraient partagés en onze parts, dont dix aux ouvriers et une seule au capitaliste. »

— D’après les calculs qu’il est inutile de reproduire ici, le capital serait, pendant les neuf premières années, plus avantagé que le travail dans la répartition des bénéfices. Passé dix ans, la part serait décroissante, et, au bout d’un siècle, elle n’équivaudrait plus qu’à la part faite au capital au bout de la première année.

En lui-même, le système de M. Vansittart Neale n’a rien que de très-équitable et de très-rationnel ; il aurait même l’avantage de communiquer au capital cet esprit d’initiative et cette prédilection pour les nouvelles entreprises qu’on lui croit, et avec juste raison, si antipathiques. En effet, le capital bénéficiant de moins en moins à mesure que les entreprises seraient solidement constituées, se porterait volontiers sur de nouvelles affaires qui lui offriraient de plus gros intérêts.