Page:Reclus - La Coopération, ou Les nouvelles associations ouvrières dans la Grande-Bretagne.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

dire sous peine de suicide, le principe progressif des Coopérateurs devait conquérir la manufacture des colons qui est l’industrie la plus nationale et la plus progressive de la Grande-Bretagne. Effectivement : instruits par leurs expériences antérieures et par leur pratique journalière d’ouvriers cotonniers, les Coopérateurs de Rochdale, on se le rappelle, établirent sans trop d’encombres leur filature, qui bientôt devient, sous leur direction, un établissement aussi prospère qu’important.

La Manchester Cooperative Spinning and Manufacturing Company à Newton-Heath inaugurait en octobre 1861 son tissage, et le filage devait suivre bientôt ; 430 actionnaires, la plupart ouvriers, avaient souscrit 5000 actions de 25 fr chacune, soit un capital de 125 000 fr. De nouvelles actions devaient être émises par la suite. Aujourd’hui, le bâtiment contient 381 métiers pour tissage. Part des bénéfices (on ne dit pas laquelle) devait être attribuée aux ouvriers.

Inutile d’énumérer toutes les associations manufacturières qui ont été fondées. Mentionnons comme d’un bon augure pour l’avenir l’établissement de manufactures sociétaires à Preston, Colne et Clitheroe, localités que des grèves ont rendu trop célèbres, et qui, nous l’espérons bien, ne verront jamais plus renaître ces guerres désastreuses entre employeurs et employés. Ce fut la fille d’un riche manufacturier, miss Alice Birdwhistle, qui donna le premier coup de truelle à une fabrique fondée par des ouvriers associés. Ensuite elle prononça, ou plutôt gazouilla[1] quelque petit discours, dans lequel elle a sans doute annoncé l’aurore d’une ère nouvelle, la réconciliation du travail et du capital.

Les ouvriers ne se sont pas bornées à établir des filatures de coton, ils ont pensé que l’Association était bonne à tout. Leurs sociétés de bienfaisance et de secours mutuels les avaient déjà familiarisés avec le nouvel instrument du progrès. Des clubs de toute espèce se sont formés, les plus répandus donnent à leurs membres le moyen de fêter somptueusement Noël en famille. D’autres prennent des abonnements avec des tailleurs, qui livrent aux associés des pantalons et des redingotes à bon compte. Dans les Watch-Clubs, un certain nombre de jeunes gens groupent leurs cotisations hebdomadaires, avec le produit desquelles on achète des montres, qui sont réparties entre les souscripteurs, par voie de tirage au sort. Rochdale possède une Société d’enterrements mutuels : Equitable Provident Sick and Burial Cooperative Society. Les ouvriers s’associent pour acheter et pour exploiter des mines de houille, pour fabriquer des casquettes, des boutons de guêtres. À Coventry ils se sont unis pour la fabrication des montres — à High Wycombe pour celle des chaises, — à Rochdale, Édimbourg et High Wycombe des rangées de maisons ont été bâties et acquises par les ouvriers, à Acerington l’on parle de rues entières. — Nous regrettons de voir dire à cette occasion, qu’une

  1. Birdwhistle, traduisez littéralement : sifflet, chant d’oiseau.